Pourquoi 9 commas ?

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POURQUOI N’AI-JE JAMAIS RIEN COMPRIS AU SOLFEGE ?

Pour commencer , faisons un parallèle avec l’échelle de subdivision du temps. Dans la nature, la terre tourne autour du soleil en 1 an environ, et elle tourne sur elle même en 1 jour. Or, une année « solaire » ne correspond pas exactement à 365, mais plutôt 365,25 jours. Pour rattraper ce quart de jour manquant, on ajoute un jour tous les 4 ans, d’où le principe des années bissextile. D’ailleurs, même ce calcul est faux à 1% près environ, donc on rajoute encore un jour supplémentaire tous les 100 ans…

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Pour la musique, les gammes, les tempéraments et les comma, c’est exactement la même chose. Il s’agit de faire coïncider une réalité physique (révolution, rotation, octave) et une échelle de mesure (année, jour, demi-ton, gamme). Tout ça vient de notre besoin, nous humains, de quantifier les choses de la nature pour pouvoir les comprendre et les expliquer.

Revenons sur une notion élémentaire de physique : les sons et les fréquences. Chaque son de la nature est composé d’un assemblages de différentes fréquences. Il peut être démontré que toutes ce fréquences ont un rapport : il y a une fréquence de base nommé Fondamentale et tous ses multiples entiers nommées Harmoniques. Pour une fondamentale de 100Hz, l’harmonique de rang 2 est 200Hz, de rang 5 c’est 500Hz etc etc. Selon les harmoniques présentes et la façon dont elles sont « mélangées » dans un son, on obtient des timbres différents que l’oreille est capable de reconnaître. Ainsi on peut faire la différence entre une note chantée et la même note jouée à la flute.

Dans la musique, on considère qu’une note donnée est principalement caractérisé par la fréquence de sa fondamentale. Cela permet de simplifier la discussion. Ainsi, la note LA « de référence » est définie pas sa fondamentale de 440Hz identique quel que soit le son ou l’instrument.

Que se passe-t-il dans la nature ? On peut constater des concordances évidentes, que l’on entend à l’oreille depuis la nuit des temps, notamment avec le phénomène des battements (non explicité ici, demander pour plus de détails) :

1°) Concordance acoustique entre une fondamentale F et ses harmoniques de rangs pairs (Fx2, Fx4 etc). On nomme Octave l’intervalle qui sépare une fondamentale et son harmonique de rang 2. C’est ce que Pythagore a démontré avec son Monocorde en le faisant vibrer sur la moitié de sa longueur (ce que vous faites sur votre guitare en jouant l’harmonique située à la 12ème case, milieu exact de la longueur des cordes)
Ainsi, à 880Hz on a un LA séparé du LA de référence par une octave. Idem à 1760Hz, on a une octave supplémentaire et à 220Hz une octave vers le bas etc etc.

2°) Concordance acoustique pour une fondamentale donnée, entre ses harmoniques de rang 2 et 3. Ainsi on définit l’intervalle de Quinte juste (au sens physique). Sa fréquence est située exactement à 3/2 de la fondamentale. Entre le LA 440Hz et le Mi 660Hz on a bien un rapport de 2/3 ou 3/2, selon qu’on « monte » ou qu’on « descend » (Sur votre guitare, l’harmonique que vous jouez à la 7ème frette correspond à la quinte et se trouve à 2/3 de la longueur, en partant du chevalet. Idem pour Pythagore sur son Monocorde)

3°) pour une fondamentale donnée, entre ses harmoniques de rang 4, 5 et 6. Avec les mêmes raisonnements que pour la quinte, on peut définir les intervalles de Tierce Majeure (rapport de 5/4 soit 1,25 avec la fondamentale)

4°) Idem avec les harmoniques de rang 10, 12 et 15 on retrouve le calcul de la Tierce Majeure, et on découvre un nouveau rapport, celui de la Tierce Mineure (rapport de 6/5 soit 1,20 avec la fondamentale)

Voilà pour la première partie de l’exposé, uniquement dédié à la nature et ce que l’homme peut y constater.

A partir de ce qui est exposé ci-dessus, beaucoup de scientifiques se sont penchés sur des échelles de quantification pour mesurer toutes ces histoires d’harmoniques et de notes.
Tout comme on peut mesurer une même distance entre 2 objets avec une échelle en pouces, en mètres, ou en années-lumière, on peut créer des échelles de subdivision et de « comptage » différentes. Ces échelles sont appelées Tempéraments.

Dans le système musical occidental, on a admis depuis longtemps l’utilisation d’une gamme réparties en 7 notes où les intervalles sont inégaux.

Dans la nature, voici comment on peut mesurer les 7 notes justes en prenant un exemple simple et en partant d’une référence DO et de sa fréquence fondamentale :

– intervalle entre Do et Ré : rapport de fréq. de 9/8 soit 1,125
– intervalle entre Do et Mi : rapport de fréq. de 5/4 soit 1,25 (tierce acoustique juste)
– intervalle entre Do et Fa : rapport de fréq. de 4/3 soit 1,333
– intervalle entre Do et Sol : rapport de fréq. de 3/2 soit 1,50 (quinte acoustique juste)
– intervalle entre Do et La : rapport de fréq. de 5/3 soit 1,666
– intervalle entre Do et Si : rapport de fréq. de 15/8 soit 1,875
– intervalle entre Do et Do : rapport de fréq. de 2 soit une octave

On peut en déduire par simple calcul et réduction des fractions (niveau maths de 5ème) :
– intervalle entre Do et Ré : rapport de fréq. de 9/8
– intervalle entre Ré et Mi : rapport de fréq. de 10/9
– intervalle entre Mi et Fa : rapport de fréq. de 16/15
– intervalle entre Fa et Sol : rapport de fréq. de 9/8
– intervalle entre Sol et La : rapport de fréq. de 10/9
– intervalle entre La et Si : rapport de fréq. de 9/8
– intervalle entre Si et Do : rapport de fréq. de 16/15

On constate, en tout, 3 valeurs d’intervalles différentes :
– entre Do-Ré, Fa-Sol et La-Si = 9/8 soit 1,125 (on l’appelle Ton Majeur)
– entre Ré-Mi et Sol-La = 10/9 soit 1,111 (on l’appelle Ton Mineur)
– entre Mi-Fa et Si-Do = 16/15 soit 1,067 (on l’appelle Demi-Ton Majeur)

Le cycle des quintes nous donne, avec les même calculs simples, deux sortes d’intervalles nommés Apotome (environ 1,0679) et Limma (environ 1,0535). On constate que leur somme est extrêmement proche de 1 ton majeur (1,12503).

En fait, dans la nature, l’oreille humaine est parfaitement capable de faire la différence entre un ton majeur et un ton mineur. Mais si on admet une certaine approximation, on a 2 sortes d’intervalles : les tons et les demi-tons. Les tons sont à peu près toujours de la même valeur, et les demi-tons font à peu près la moitié des tons (d’où leur nom).

On a donc essayé de poser des modèles de mesure et de calcul basés sur 12 intervalles d’un demi-ton pour décomposer une octave.

Pour retomber sur nos pieds et essayer de coller à la réalité acoustique, on a cherché des échelles de mesure appelés Tempéraments. La plus petite unité de mesure d’un tempérament est appelée Comma. Chaque Tempérament a un comma qui lui est propre. Tout comme le micron(millionième de mètre) et le Mils (millième de Pouce) peuvent être des « commas » propres au système métrique et au système anglosaxon.

Se contenter de 12 divisions de l’octave n’est pas suffisant car l’oreille fait la différence. A l’inverse, imaginer un modèle à 301 commas par octave (comme l’a fait le mathématicien Sauveur, considéré comme le fondateur de l’acoustique – et qui était sourd ! – ) est un peu de l’empapaoutage de mouche dans lequel l’oreille ne fait plus la distinction.

Imaginez un piano avec 301 notes différentes par octave, c’est absolument injouable et l’instrument devient monstrueux. Il en est de même pour n’importe quel instrument tempéré, c’est à dire où on ne choisit pas les fréquences, elle sont figées par construction (piano, guitare par exemple). Les instruments comme le Violon ou certains cuivres ne sont pas tempérés, c’est à dire qu’ils n’imposent pas une division mathématique de l’octave et permettent de jouer les notes justes (au sens acoustique du terme).

Il faut donc trouver un compromis.

La communauté musicale et scientifique occidentale moderne a donc communément admis la division de l’octave en 53 parts égales, suite aux travaux de Pythagore, repris plus tard par Holder. Pour info, ce choix n’est pas dû au hasard, il résulte de la différence résiduelle constatée dans la nature entre un intervalle de 12 quintes acoustiquement justes (3/2 à la puissance 12 = 129,64…) et de 7 octaves acoustiquement justes (2 à la puissance 7 = 128 _). Cette différence vaut, mathématiquement, environ 1,013643 et sera donc notre comma.

Avec 53 commas par octave, on a 9 commas par ton. A ce niveau, l’oreille ne distingue plus vraiment l’approximation entre les notes justes et leur note correspondantes dans l’échelle tempérée au comma près.
Ce qui est très pratique et nous arrange bien, c’est qu’un apotome fait quasiment 5 commas, et un Limma fait quasiment 4 commas (toujours une approximation ici aussi).

Ce dessin d’après les travaux de William Holder (1616–1698) théoricien anglais de la musique résume très bien cette échelle de mesure.

Le calcul du dièse et du bémol se fait toujours avec les apotomes :

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son du cycle des quintes qui se fait en « montant » pour les dièses et en « descendant » pour les bémols. Un dièse est un apotome plus haut que sa note, un bémol est un apotome plus bas que sa note, donc un Do# est légèrement plus aigu qu’un Ré bémol (différence de 1 comma).
Les demi-tons usuels Mi-Fa et Si-Do font toujours un Limma soit 4 commas.
On a donc bien au total 5 tons « entiers » de 9 commas et 2 demi-tons de 4 commas, soit un total de 5×9 + 2×4 = 53 !!!

Dans la Gamme Tempérée occidentale, on simplifie encore plus les calculs et un divise l’octave en 12 parts égales. Chaque demi-ton correspond à un intervalle d’une valeur de « racine douzième de 2 ». Ainsi, lorsqu’on parcours les 12 demi-tons, on a multiplié 12 fois par cette valeur et on obtient donc un facteur de 2, soit notre octave.
Racine douzième de 2 vaut environ 1,0595 ce qui nous amène très près du demi-ton acoustique majeur qui est d’environ 1,0606, du demi-ton acoustique mineur de 1,0540, du demi-ton diatonique de 1,0667 , du demi-ton chromatique de 1,0495 , et de 4,5 fois un Comma soit 1,0606.

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De nos jours, les instrumentistes qui ont la chance de jouer sur un instrument non tempéré n’en profitent pas vraiment, puisqu’ils jouent dans le même système et jouent finalement sur une échelle tempérée.

A propos Sol

Hissons haut les Coeurs Heureux y sont les Sensibles Malheureux y sont les Résistants Intolérés y sont les Tolérants
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6 commentaires pour Pourquoi 9 commas ?

  1. Sol dit :

    Le comma est la plus petite division du ton.
    Un ton comporte neuf commas.
    En théorie, le demi-ton diatonique contient quatre commas et le demi-ton chromatique en contient cinq.
    Il est évident que les instruments à clavier qui sont tempérés de façon égale ne peuvent pas rendre compte de cette différence.
    En revanche, les instrumentistes à cordes sont tenus de jouer différemment les deux types de demi-tons pour ne pas jouer faux.

    Xavier Hubaut

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  2. Xavier Hubaut dit :

    Une explication mathématique assez simple de la division de l’octave en 5, 12, 41, 53, … se trouve en http://xavier.hubaut.info/coursmath/doc/thmus.htm

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  3. Sol dit :

    Gamme d’Aristoxéne (±350 av JC)

    OpposéŽ aux théŽories de Pythagore, Aristoxéne proposa une autre systéme basŽ sur les harmoniques.

    Pour mŽémoire, une harmonique correspond ˆ la fréŽquence de base multipliŽé par un nombre entier.

    Ainsi l’harmonique de niveau 2 d’un do ˆ 522 Hz est Žgale ˆ 522 * 2 = 1044 Hz, celle de niveau 3 est de 1566 Hz, etc…

    RapportŽs sur une mme octave, ces calculs permettent d’éŽtablir les hauteurs suivantes :
    Do = 522 Hz, RŽ = 587 Hz, Mi = 652 Hz, Fa = 718 Hz, Sol = 783 Hz, La = 848 Hz, Si = 979 Hz, Do octave = 1044 Hz.

    Ce système a pour avantage d’éŽnoncer un rapport d’octave juste (2/1) mais n’a jamais éŽtéŽ admis par les musiciens car certaines notes sonnaient faux (Fa et Si en particulier). Ce sont ces notes qui peuvent être produites par les instruments naturels (trompettes par exemple).

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